dimanche 26 août 2018

Lorsque le jeu vidéo devient simulateur de pilotage moto : De la Playstation à... la Playbike !

Culture Geek

L'univers du jeu vidéo n'a pas fini de me surprendre, quant à sa qualité de rassemblement. Mais il n'est pas le seul, et parfois il se raccorde à un autre... surprenant. 

Le contexte ? Ma famille qui travaille dans le milieu de la presse moto, donc des essais, du pilotage, de l'histoire. Vous me direz, mais ça n'a aucun rapport avec les jeux vidéos ? Eh bien, je n'aurais jamais pensé pouvoir en trouver un non plus, car grâce à ce milieu j'ai pu rencontrer Yves Kerlo, concepteur de moto, mécanicien et pilote. Non, il n'y a toujours pas de lien mais j'y viens ! 
Mr.Yves Kerlo travaille dans le domaine de la moto depuis la fin des années 1970 et a pu voir l'évolution du secteur. Jusqu'à ce qu'il conçoive en 2004 un simulateur de conduite à moto sur le jeu Moto GP 4, le projet Playbike ! Aussi, en discutant avec lui, je me suis demandé mais comment peut-on aller de l'un à l'autre sachant que rien ne les rapproche ? 

J'ai décidé de réaliser ma toute première interview et de vous parler plus en profondeur de ce fameux simulateur, ou plutôt c'est mon invité qui va s'en charger ;) 


Pouvez-vous nous décrire brièvement le projet Playbike ? 


L'idée de départ était d'imaginer un équivalent au kit volant pédalier commercialisé pour utiliser les jeux automobile, ce qui à ma connaissance n'existait pas pour la moto en 2005, aujourd'hui je n'en sais rien je n'ai pas cherché. 

Le pire, c'est que cela n'existe toujours pas. 


Comment êtes-vous passé de la moto aux jeux vidéos, ce sont tout de même deux univers très différents ? 


Je ne suis pas "passé" aux jeux vidéos, c'est le pur hasard du jeu Moto GP 4 en démo dans une grande surface qui m'a fait découvrir en 2002 le réalisme de ces jeux (juste pour mes 50 ans !). 


Qu'est-ce qui vous a le plus attiré dans le média ? 


Le média en général rien, le seul intérêt était de retrouver en partie le pilotage d'une moto de vitesse. Tout ce que j'avais vu avant était tellement grossier, naïf, irréaliste... 
D'ailleurs à ce sujet, la nouvelle version Moto GP 17/18, en dehors de la qualité du graphisme n'est pas encore au niveau de ce qu'avait développé Namco en 2004. 

Il est vrai qu'en dehors de Hang-On et Manx TT Super Bike, les jeux axés sur la moto étaient assez peu réalistes. 


'' Les balbutiements début 2004, sur une moto 250 complète, beaucoup
trop complexe pour les bricoleurs que nous étions''. KYF c'est Kerlo Yves Fabrication.

Comment vous est venue l'idée de créer Playbike ? 


C'est un ami qui joue en ligne avec un simulateur automobile qui m'a incité à le faire, puisqu'on ne trouvait rien de commercialisé. 


Globalement, quels ont été les retours des joueurs ? Y-avait-il de vrais pilotes dans le lot ? Avaient-ils le même avis ? 


Les habitués conventionnels de la manette, pas connaisseurs de moto, n'aiment pas trop ça, c'est plus physique, plus difficile. Pour arriver à "rouler" correctement il faut beaucoup s'entraîner, et c'est justement ça qui plaisait aux pilotes moto comme Éric Saul (Vainqueur de la coupe Kawasaki) , Vincent Bocquet (Champion du monde d'endurance), Philippe Monneret (vainqueur des 24H du Mans Moto), Sébastien Charpentier (Double-Champion du monde Supersport) et même Phil Read (Huit fois champion du monde en Moto GP et au Tourist Trophy). 
Il est bien trop facile de gagner des courses avec la manette, alors que dans la "vraie vie" piloter une moto de compétition est très difficile. 

Pour avoir vu la bête de près, je vous assure que c'est du jus de cerveau pur ! La manette est incrustée dans une cale et les commandes fonctionnent par le biais de petits leviers et câbles, comme sur un vélo. Il y a même un retour de force ! Nous sommes vraiment très proche du pilotage, inclinaison de la machine en moins...


Avez-vous eu des difficultés à trouver un investisseur pour votre projet ? 


Il n'y a pas eu de difficultés puisque je n'en ai pas cherché, et donc pas trouvé ! Il n'a jamais été question d'en faire un produit industriel, mais juste un moyen de s'amuser. C'est le hasard de rencontres sur des salons qui a permis d'en vendre une vingtaine entre 2006 et 2007. 
Rendre ça industriel est un autre métier, qui nécessite d'autres compétences et moyens, humains, financiers, commerciaux et logistiques. 


Avez-vous travaillé seul, ou y a-t-il eu l'intervention de partenaires pour la conception, ou même la promotion ? 


Toute la conception et la réalisation a été effectuées seul, mais en écoutant beaucoup l'avis de vrais pilotes, pas ceux des "gamers" dont l'avis ne m'intéressait pas ou peu. 
Commercialement parlant la Société Lucane, spécialisée dans les produits dérivés moto (le fameux Joe Bar Team), avait essayé de les distribuer, mais leur marge rendait le produit bien trop cher (1 800 euros). 
Et le produit était trop encombrant, trop cher à produire, à expédier, aucune réflexion autour de l'éventuel marché n'avait été faite. 
Très artisanal à tous les niveaux, mais en phase avec mon activité et donc pas de surprises ni de regrets. 

''La première version qui fonctionne début 2005''. Stand ICGP, avec le pilote Eric Saul, 4ème champion du monde 350cm3 en 1982 et créateur de l'International Classic Grand Prix (ICGP), en guise de testeur.


À l'heure actuelle, si vous deviez améliorer quelque chose sur Playbike, qu'est-ce que ce serait ? 


Franchement je ne sais pas. Il faudrait probablement partir d'un simulateur de "table" et imaginer des options comme la châssis-coque mais surtout travailler moins artisanalement. 


Qu'avez-vous le plus apprécié dans le conception de ce projet ?


M'amuser, et en faire profiter ceux qui en avait envie. 


Cette expérience vous a-t-elle donné envie de poursuivre dans la construction de simulateurs ? Ou de vous plonger plus en profondeur dans le domaine du jeu vidéo en général ? 


Non, pas vraiment, la grande majorité de ce que je vois tourne autour des combats, de la guerre, vraiment pas ma tasse de thé ! 


''Les versions commercialisées à partir de 2006''. Au guidon, Jean-Pierre Bigeault, figure chartraine du sport moto.

''Un brevet a été déposé fin 2006, et la marque Playbike dans la foulée''. Ici, le pilote Vincent Bocquet,champion du monde d'endurance rien de moins, s'essaye à la machine !

Vous disiez avoir conçu Playbike pour Moto GP 4, est-il compatible avec d'autres jeux ? Ou même d'autres consoles ? 


Probablement, il faudrait y travailler, je ne vois pas ce qui l'empêcherait. 


Aujourd'hui, où en est Playbike ? À qui appartient-il ? De nouvelles versions sont-elles prévues ? 


Aujourd'hui le projet a 13 ans et il n'y a eu aucune suite depuis 2009 après l'installation de deux simulateurs sur le circuit du Qatar. Un projet de moto électrique est venu prendre tout mon temps. 
Le concept Playbike m'appartient légalement parlant, mais ça ne veut pas dire grand chose, car il est tellement facile de copier, seules les grosses entreprises bien structurées sont capables de se protéger et se défendre. Je suis désormais un retraité actif près d'Avignon, et le hasard d'une rencontre sur un circuit début 2018 vient de faire acheter une PS4 (pour mes 65 ans) et le jeu moto Tourist Trophy. 
La qualité des images actuelles, le réalisme m'ont bluffé, et j'ai reconstruit 3 nouveaux simulateurs en m'adaptant à la nouvelle manette PS4, deux viennent d'être expédiés en Espagne 

Quel intérêt à un kit guidon pour jeu vidéo ? Voici Patrick Vallet, premier motard à avoir fini le Paris Dakar sur une 125cc en 1984. Et pourtant, malgré un accident en 1994 qui le prive de ses jambes, il a pu retrouver la joie de tenir un guidon et serrer une poignée de gaz... C'est beau !


Sur quoi travaillez-vous dorénavant ? 


Je travaille est bien grand mot, mais je collabore à la restauration de motos de vitesse pour des collectionneurs et des musées. 



Le mot de la fin ? 


Si une entreprise voulait produire et distribuer Playbike en série, je suis disposé à céder pour une somme symbolique tout ce qui a été fait, brevet et marque déposée inclus. 
Il faudrait juste que le courant passe bien... 


''La version avec moto complète est installée sur le cirtuit du Quatar''. N'empêche, ça a de l'allure. Il était même fourni des autocollants de marques et sponsors, à coller où bon vous semble sur le cadre vierge :)



Si deux univers semblent ne avoir rien en commun, il ne faut pas en conclure qu'il n'existerait aucun lien entre eux. Étant moi-même motard, j'ai toujours apprécié la moto (enfin, surtout en faire, je n'ai jamais rien compris à la mécanique moto) et quand lorsque j'ai commencé ma collection de jeux vidéos, avant d'entendre parler des grandes mascottes du genre comme Mario, je me rattachais surtout à ce que je connaissais comme la BD mais surtout la moto. 

Et vous savez quoi ? Je pense que le milieu de la moto et le milieu du jeu vidéo ont beaucoup plus en commun qu'on ne le pense. Quand on y réfléchit, bien que les sensations de plaisir procurées soient d'un tout autre registre, la communauté autour de la moto est avant tout un grand ensemble de passionnés qui aiment pratiquer leur activité, mais aussi se retrouver pour parler de leurs passions communes. Et tout comme le jeu vidéo évolue, la mécanique aussi avance dans le temps, créant plusieurs générations de passionnés qui transmettent leur savoir, leurs avis, leurs rêves. 

Si l'on s'attarde sur la presse moto, elle est beaucoup plus concentrée sur la moto ancienne et ses répliques que les dernières montures à la mode (sauf rares exceptions), et l'on y retrouve avant tout des personnes parler des machines qui les ont fait rêver dans leur jeunesse, de leurs aspects techniques, de leur allure fringante, transmettant ainsi la légende aux plus jeunes. Et c'est complètement ce qui arrive au jeu vidéo, surtout depuis l'explosion de la mode du retro-gaming aux alentours de 2010. Le nombre de formats dédié au support a explosé, sur internet comme dans les kiosques, où les joueurs nés dans les années 1980 nous parlent de leurs plus grands jeux, créant une nouvelle génération de passionnés qui un jour transmettront le savoir de leurs aînés mais aussi le leur, acquis durant leur expériences. Passionnés qui ont parfois l'idée saugrenue de créer un blog pour parler de leur monde ... ^_^ 

Je remercie encore Mr.Yves Kerlo d'avoir bien voulu répondre à mes questions et pour les images d'époque. Si vous êtes intéressé dans le domaine de la moto en général ou la restauration de machines anciennes, n'hésitez pas à aller faire un petit tour sur son site, plus que complet : kerloclassic.com


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