Culture Geek
La Fille de Vercingétorix : Un album farpait !
Après que Albert
Uderzo ait prit sa retraite en tant que dessinateur, il a
confié les rennes de la célèbre BD Astérix au scénariste
Jean-Yves Ferri et au dessinateur Didier Conrad.
Ces derniers ont déjà pu réaliser Astérix chez les Pictes
(vrai retour aux sources), Le Papyrus de César (très
sympathique et super méchant), et Astérix et La Transitalique
(excellente ode au voyage digne des récits Uderzo/Goscinny et
superbe final). Les auteurs sont arrivés dernièrement avec leur
quatrième album (et 38ème album de la série) et le moins que l'on
puisse dire, c'est qu'ils se sont VRAIMENT surpassés ! Explications.
D'abord, là où on
sentait que Didier Conrad avait pas mal de difficultés avec certains
détails de quelques personnages (notamment les pupilles), on voit
qu'il s'est nettement amélioré. Les personnages sont plus
expressifs et on voit de moins en moins la différence entre l'élève
et le maître. J'ai vraiment cru reconnaître la patte d'Uderzo dans
certaines parties du récit, notamment celle avec les pirates. Bon
après, je regrette un peu que certains personnages ne soient pas
encore totalement maîtrisés comme Idéfix ou Mme Agecanonix (les
lèvres, c'est pas encore ça du tout même).
Les environnements par
contre, il n'y a absolument plus rien à dire ! Dès Le Papyrus de
César on avait quelques cases perdues superbement détaillées mais
ici c'est grandiose. Malgré un cadre assez fermé (puisque
l'intrigue se déroule autour du village), les dessins donnent une
grande profondeur aux cases comme le faisaient les créateurs de la
série. Il en aura fallu du temps, mais Conrad
semble enfin maîtriser l'environnement de 50 avant J.C.
Concernant le scénario,
je pense pouvoir dire sans risques que tout comme les dessins le duo
nous a proposé leur meilleure histoire jusqu'à présent. Partant
d'une anecdote historique plus ou moins avérée, on donne naissance
à tout un récit tout comme le faisait René Goscinny.
Après, de là à savoir si Vercingétorix
a réellement eu une fille, les historiens ne le savent pas eux-même
…
L'histoire est je trouve
très bien écrite. Alignant les comiques de situation, de répétition
et les quiproquos, j'ai vraiment eu la sensation de retrouver un
album écrit par Goscinny. Surtout avec une scène particulièrement
géniale, le mic-mac à bord du navire pirate qui démontre de la
grande maîtrise du véritable cirque que sont certaines situations
made in Astérix. Entre romains, pirates, gaulois et ''indépendants''
comme ils l'appellent, l'action se déroule sur plusieurs plans
scénaristiques comme un épisode d'une série.
Le tout accompagné par
le meilleur méchant que le duo nous ait montré, on sent une réelle
menace en la présence de ce personnage et les enjeux en rapport
direct avec l'histoire d'Alesia font peser des symboles très lourds.
Après bien sûr, qui dit
album d'Astérix dit humour et références et cet album en est
plutôt bien fourni. Mais je trouve justement qu'ils se sont
améliorés par rapport à un point particulier, les jeux de mots.
Dans leurs derniers albums (surtout Le Papyrus de César), je
trouvais qu'ils avaient trop souvent tendance à faire de l'humour
facile et gratuit avec le nom de certains personnages ou de la
paronomase (quand ça sonne presque pareil mais c'est pas pareil.
Exemple, boulot et bulots). Ici, ils se sont beaucoup calmés et on
plus privilégié le comique de situation ou de répétition. Car
même si on sait que Goscinny était un fin amateur de calembours
(poils au boulgour), il n'en abusait pas non plus. Et je trouve
justement que le dosage d'humour est bien mieux mené dans cet album
:)
Les références à la
culture populaire et sociale sont assez nombreuses et on sent que cet
album s'inscrit dans le contexte actuel comme l'étaient beaucoup
d'autres avant lui. Que ce soient les références à des gaulois
réfractaires au changement, au fait de traverser la rue pour trouver
du travail, ou encore une caricature (un peu étrange visuellement
mais chaleureuse) de Charles Aznavour, la critique de certains
régimes d'alimentation ou l'information sur les composants des
aliments, tout le monde ou presque peut se retrouver dans cet album.
On y trouve même une référence au mouvement des FARC de Colombie
et à Voldemort de la saga Harry Potter.
D'ailleurs il me semble y
voir une morale assez intéressante mais ce n'est que pure
spéculation issue de mon esprit dément. J'y vois deux approches
concernant le changement de manière générale. D'une part, le
changement sans réflexion que l'on souhaite imposer incarné par
Adictosérix, les romains et les pères adoptifs d'Adrénaline (et
dans une certaine mesure Cétautomatix et Ordralfabétix à leurs
enfants) et le changement qui intervient naturellement dans l'ordre
des choses avec justement la jeunesse du village et Adrénaline qui
échappent aux limites qui leur sont imposées pour voler de leurs
propres ailes. Et cette opposition entre deux visions radicalement
différentes de l'appréhension de l'avenir semble refléter
parfaitement les conflits inter-générationnels. Ce n'est pas pour
rien à mon avis que les auteurs ont attribué la phrase très
impopulaire d'Emmanuel Macron au méchant de
l'histoire, l’intérêt d'une vie étant avant tout de privilégier
ce que pensent les principaux concernés. Ce qui est démontré
d'ailleurs par l'envie des fils des forgerons et poissonniers qui
veulent échanger leur apprentissage malgré ce que leur imposent
leurs parents.
Bref, je conclurai avec
les mots de la rédaction du site Une Case en plus, spécialiste de
la bande-dessinée, qui je trouve résument parfaitement à mon sens
les qualités propres de ce nouvel album :)
_'' Sans conteste,
Jean-Yves Ferri et Didier Conrad réalisent ici leur meilleur album
d'Astérix depuis leur reprise de la franchise. Ils signent une
histoire franchement très plaisante et rythmée. Ils ne manquent pas
de respecter l'héritage Goscinny/Uderzo tout en y apportant un peu
plus leurs pattes. Que demander de plus ! ''
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