Les médias et l'opinion
commune ont tendance à ranger les gamers dans un seul et même
ensemble qui forme le monde des joueurs de jeux vidéos. Mais quand
on y réfléchit, il existe de nombreuses façons de jouer. Les jeux
vidéos servent à passer le temps, terminer le jeu le plus vite
possible, finir le jeu à 100%, devenir le meilleur joueur du serveur
ou encore juste profiter du scénario ou des graphismes (liste
non-exhaustive).
Mais ça, ce n'est que la
face immergée de l'iceberg, ou la finalité d'un jeu vue par ses
joueurs. Car les développeurs peuvent avoir une idée bien précise
lorsqu'ils font leur jeu. Ils peuvent avoir envie de faire passer un
message, démontrer la puissance d'une console, proposer un
challenge ou juste de raconter une histoire.
Vous l'aurez compris, la
finalité du jeu vidéo est quelque chose d'assez difficile à
examiner du fait de ces deux facettes. C'est pourquoi il convient de
revenir aux tous débuts du jeu vidéo pour tenter de trouver une
réponse claire.
À la fin des années
1970, les jeux vidéos ne sont considérés à l'époque que comme
des jouets avec lesquels ont peut se divertir comme on le ferait avec
un Monopoly ou un jeu de carte. Pour rappel, les seuls jeux
disponibles à la vente étaient des variantes de Pong, le hit
d'Atari, un jeu de sport donc. Le principal atout d'un sport est donc
de gagner la partie contre son adversaire, de relever le défi. Et se
limitant à ce point, le jeu vidéo respectait parfaitement l'esprit
du sport et pouvait d'ores et déjà être considéré comme une
discipline sportive à l'instar de l'e-sport moderne. Les ''joueurs''
étaient alors considérés comme des sportifs entre autre, sauf que
l'écart entre les âges ne posait plus de problèmes, un adulte
pouvait sans problème jouer avec un enfant sur le téléviseur
familial. Un jeu proposant un challenge se basant sur les réflexes
et la maîtrise de l'outil.
Du côté des développeurs, les constructeurs commencent à voir un marché apparaître. Certes faible mais existant tout de même. C'est pourquoi nous avons connu une avalanche de clones de Pong en Europe comme le Telescore de SEB ou l'Hanimex. Tous présentaient environ six jeux, toutes des variantes de Pong comme on pouvait le voir sur la Color TV Game 6 de Nintendo.
Du côté des développeurs, les constructeurs commencent à voir un marché apparaître. Certes faible mais existant tout de même. C'est pourquoi nous avons connu une avalanche de clones de Pong en Europe comme le Telescore de SEB ou l'Hanimex. Tous présentaient environ six jeux, toutes des variantes de Pong comme on pouvait le voir sur la Color TV Game 6 de Nintendo.
Mais vous l'aurez
compris, quel intérêt de toujours produire exactement le même
produit, sachant que tout le monde va finir par se voir répartir une
petite part égale du marché ? Aucun, il faut innover pour
éviter que les consommateurs ne se lassent de nouveau produit
High-Tech.
C'est alors qu'Atari
innove en 1978 avec le lancement de l'Atari VCS (plus connue sous nos
latitudes sous le nom de l'Atari 2600 arrivée en 1981). A défaut
d'être inédit, le concept est révolutionnaire. Nous avons une
console dont ont peu changer le jeu, jeux qui sont tirés des
nouveaux nés du secteur de l'Arcade comme Space Invaders ou Donkey
Kong. De plus, graphiquement les jeux évoluent, on passe des petites
barres de pong à des amas de pixels sensés symboliser des Tanks ou
des extra-terrestres.
Mais ce n'est pas
l'aspect graphique qui va attirer le néophyte à cette époque, et
les développeurs de l'arcade l'on bien compris. C'est pourquoi, la
quasi-totalité des jeux de cette époque en salle d'arcade n'ont
qu'un seul et même objectif : le scoring. Simplement, obtenir
le meilleur score. Il y a donc un challenge. On ne cherche plus à
battre son adversaire mais à battre une intelligence artificielle et
prouver qu'on est le meilleur en inscrivant son nom sur le podium. Et
le pire (ou le meilleur, selon votre vision des choses), c'est que ça
marche !
Les joueurs s'amusent à
se défier aux jeux vidéos comme ils le feraient au Bowling ou au
Flipper. Il ne s'agit plus d'un sport en un contre un mais plutôt un
sport à l'aspect compétitif.
Les constructeurs de
consoles vont donc surfer sur cette vague de l'arcade et lancer des
consoles à cartouches interchangeables dans le monde entier. Les
ancêtres de nos PS4, Xbox One et Nintendo Switch étant les Atari
2600 d'Atari, l'Intellivision de Mattel et la Colecovision de CBS.
Les développeurs de
consoles de salon pensent donc avoir compris ce qu'est l'essence du
jeu vidéo et en avoir fait le tour. On pense qu'il n'existe que des
variantes des grands hits de l'arcade, adaptées à de grandes
licences (comme Gorf qui inspirera le jeu Star Wars). Mais ça pose
juste un petit problème. En fait, il s'agit du même problème
auxquels les constructeurs de clones de Pong avaient du faire face :
ne pas laisser le consommateur se lasser.
Les jeux sur ces consoles
se ressemblent absolument tous ! Sauf (très) rares exceptions,
tous les jeux de cette époque sont tirés les uns des autres ou sont
des portages de jeux d'arcades ou de jeux de sports.
N'ayant plus d'idées
pour innover, le surplus de clones et surtout la qualité très
médiocre de bon nombre d'entre eux (comme ET L'extra-terrestre ou
Pac-Man sur Atari 2600) feront que le grand public vont se
désintéresser des jeux vidéos, provoquant alors en partie le
tristement célèbre Krach du Jeu Vidéo de 1983. Krach qui a failli
faire disparaître le jeu vidéo d'ailleurs...
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Si on résume donc, le
sport ça lasse, et le scoring aussi... Malgré quelques petites
évolutions graphiques, on en reste toujours au même vaisseau
spatial qui dégomme des aliens ou la boule jaune qui mange d'autres
boules. Les graphismes sont trop simples et n'évoluent pas, tout
comme les jeux ou leurs objectifs.
Pourtant, le krach de
1983 va permettre de redistribuer les cartes du marché du jeu vidéo.
Le géant mondial américain Atari s'inclinant alors devant un
nouveau venu japonais, Nintendo. En 1983 sort au Japon la première
véritable console de salon de Nintendo, la Family Computer (abrégée
en Famicom). Cette dernière a pour objectif de fournir aux foyers
nippons une console capable de convertir sans problèmes tous les
grands titres de l'arcade et bien plus. Les équipes veulent à la
fois reprendre la main sur la marché en train de couler ET démontrer
leur savoir faire et leur puissance technique. Les équipes de
Nintendo planchent alors sur le sujet et convertissent des hits de
l'arcade comme Donkey Kong ou Popeye, imaginent des jeux pour le
Zapper (le pistolet de la console) et des jeux de sports. Mais
pendant le développement de la console, un problème est pointé du
doigt et s'il n'est pas résolu avant le lancement de la machine,
Nintendo se plantera autant que ses prédécesseurs. Une nouvelle
équipe crée alors des jeux utilisant un scrolling, complètement
différent de tout ce qui pouvait exister car la totalité des jeux
de l'époque n'étaient que des écrans-fixes. On a une impression de
mouvement et de vitesse beaucoup plus réaliste et l'arrivée de
Super Mario Bros. en 1985 permet à Nintendo de dominer le marché du
jeu vidéo mondial. Avec une nouvelle dimension graphique et
technique, les développeurs ont de nouvelles possibilités à
exploiter et ne pourront plus tomber dans les travers de l'ennui
avant un bon moment.
Le jeu vidéo a alors
trouvé toutes ses bases modernes à cette époque. Certes, il y a
toujours l'aspect compétitif dans des jeux de sports, de courses ou
de combat. De toutes façons, par définition ce sont des milieux où
l'on est destinés à s'affronter. Toutefois, apparaissent de
nouvelles possibilités. Les jeux devenant plus techniques
graphiquement, les développeurs peuvent au lieu d'imposer un simple
challenge raconter une histoire ou proposer une aventure. Avec
l'histoire de Mario qui va sauver la Princesse Peach et Link qui va
sauver la Princesse Zelda, on a les deux plus beaux exemples.
Mais les jeux évoluant,
certains tentent de combiner des méthodes plutôt anciennes que sont
le challenge et la compétition au monde moderne, à savoir la
narration et l'aventure. Par exemple, Mega Man 2 sortit en 1988
propose un jeu visuellement semblable à Super Mario Bros. mais avec
une difficulté ahurissante. L'intérêt du jeu ne résidant plus
seulement dans son histoire mais aussi par sa difficulté.
Avec l'avènement des
premiers ordinateurs personnels, certains jeux iront jusqu'à abroger
cette idée de challenge et proposeront alors un jeu basé sur la
réflexion et les énigmes ce qui donnera les Point'n Click (pointer
et cliquer), mettant alors la narration au cœur du jeu, si on ne
suit pas un minimum ce qu'il se passe, on ne pourra pas progresser
car il nous manque les informations essentielles. Même des jeux
récents s'inspirant de mécaniques réservées à des styles
beaucoup plus compétitifs s'en inspirent, par exemple The Long Dark
est un jeu mettant l'accent sur la narration et la survie du joueur
alors que c'est un FPS.
Enfin, il reste une
dernière catégorie de jeux, celle des jeux que j'appellerai
''artistiques''. Il s'agit de jeux qui sont totalement hors de
l'époque où ils sont sensés être en terme de qualités techniques
mais proposent non pas une narration mais une réflexion. Non pas sur
la narration en elle-même comme dans un jeu d'énigmes mais bien sur
le jeu, voire sur le joueur lui même. Les développeurs cherchent
alors à déconnecter le joueur du challenge pour le pousser à se
creuser les méninges, qu'il s'abstienne des règles du défi à
surmonter.
On citera par exemple
Journey ou encore This War of Mine qui poussent plus à la réflexion
personnelle que sur l'intrigue.
Aujourd'hui, les jeux
vidéos tournent tous autour de ces cinq intérêts (je ne compte pas
l'intérêt ''faire du fric'', car soit trop évident pour certaines
périodes de l'histoire, soit trop polémiques pour d'autres).
Mais existe-t-il un
intérêt qui les surpasse tous et définit le jeu vidéo moderne ?
Je ne pense pas, en fait je pense que chaque jeu peut avoir une
interprétation dans une de ces cinq branches. Je m'explique.
Les développeurs peuvent
avoir pour idée de raconter une histoire tout simplement, mais
l'engouement pour le jeu et ses mécaniques peut faire que l'histoire
qui était son principal atout devienne son gameplay. Ainsi, les
joueurs chercheront plutôt la compétition que le scénario. On en a
l'exemple irréfutable de World of Warcraft. Basé sur des règles de
jeu de rôle dont le but est de nous faire vivre une aventure et de
nous raconter une histoire, beaucoup de joueurs aujourd'hui apprécient le jeu uniquement dans les duels en JCJ. Cela fonctionne également
avec d'autres jeux en ligne comme League of Legends ou Guild Wars 2 qui sont
des jeux très joués en e-sport, bien que les développeurs aient un
réel investissement dans leur scénario.
Pour citer un jeu plus récent, le célèbre Overwatch qui mise tout sur le gameplay et le multijoueur est devenu tellement populaire que bon nombre de fans cherchent à développer l'univers du jeu et réclament un mode scénario.
Pour citer un jeu plus récent, le célèbre Overwatch qui mise tout sur le gameplay et le multijoueur est devenu tellement populaire que bon nombre de fans cherchent à développer l'univers du jeu et réclament un mode scénario.
Autre exemple plus
basique, Super Mario Bros. est un jeu qui veut raconter une histoire.
Son objectif est donc juste de finir l'histoire et d'en connaître le
dénouement. Toutefois, il fait partie de ces nombreux jeux qui sont
régulièrement pratiqués par les joueurs souhaitant finir le jeu le
plus vite possible (le dernier record en date étant celui du
speedrunner américain Darbien en 4 minutes, 57 secondes et 26
centièmes du 13 avril 2016).
Enfin dernier exemple,
bien que JetPack Joyride soit un jeu type arcade dont le but est
d'obtenir le meilleur score, certains apprécieront jouer au jeu sans
en relever le défi et en appréciant le style graphique très
16Bits.
Vous voyez ? Certes,
les développeurs ont toujours une idée de départ pour faire un
jeu. Certes la communauté des joueurs trouve toujours un côté
prééminent dans ces cinq analyses. Mais cela n'empêche en rien que
les quatre autres analyses sont tout de même valables. Chaque jeu
peut être considéré comme un sport, une œuvre d'art, un média ou
une histoire.
… Bon après pour ce
qui est de la qualité, on va pas se mentir, c'est comme pour le
cinéma... Si un jeu est mauvais, ce sera beaucoup plus compliqué de
le qualifier d’œuvre d'art. Est-ce que Sharknado mérite d'être
qualifié d’œuvre d'art malgré le fait qu'il appartient au 7ème
art ? Non, parce que c'est une bouse cinématographique sur
laquelle tout le monde a plaisir à cracher (sauf ceux qui ont un
plaisir coupable). Ceci dit, il faut tout de même relativiser sur les intentions des producteurs. Les réalisateurs de Sharknado ne se sont absolument pas pris au sérieux et considèrent eux-même leur film comme une blague. Mais si il y a une volonté de vouloir faire un bon film et que le résultat est décevant à un niveau over 9000, là on peut considérer le film comme mauvais. C'est pareil pour le jeu vidéo.
Alors si quelqu'un vous
soutient mordicus que le seul intérêt du jeu vidéo c'est de finir
le jeu à 100% ou de devenir le meilleur joueur du serveur dans sa
classe, tentez de le faire relativiser. Le jeu vidéo est devenu une
œuvre tellement complexe qu'on peut aujourd'hui lui faire raconter
ce que l'on veut avec les formes et les interactions que l'on veut.
Tout dépend de ce que la personne apprécie dans un jeu vidéo.
Pour l'anecdote, j'adore
les jeux vidéos en partie pour l'histoire, les graphismes mais surtout pour les musiques, mais le degré de difficulté du jeu peu poser un obstacle. Par exemple, je suis un grand fan
de Kingdom Hearts mais j'aurai plus de mal à persévérer dans le
jeu en mode expert qu'en mode normal. Et pourtant le challenge
proposé est sacrément élevé !! #KingdomHeartsIISéphiroth
Enfin, cette étoile ne représente la finalité du jeu vidéo que vis-à-vis du joueur. Du côté des développeurs, cela donnerait plutôt Faire passer un message, Raconter une histoire, Proposer un challenge, Démontrer un savoir-faire ou Créer une communauté.
Comme quoi, la finalité
du jeu vidéo dépend des goûts présents dans la nature. Toutefois,
pour ce qui est de l'avenir du jeu vidéo, on peut tenter de
regrouper toutes les personnes qui privilégient une des cinq
branches, les mettre ensemble et l'ensemble le plus populaire
déterminera la ligne directrice des développeurs (ou son exact
opposé par sentiment de raz-le-bol, comme au cinéma). Si 80% des
joueurs apprécient l'histoire dans les jeux, les prochains jeux
seront narratifs (comme The Last of Us). Toutefois, si on reste trop
longtemps dans cette phase, on va avoir un raz-le-bol des jeux
narratifs et les 80% vont se réorienter vers le challenge ou les
graphismes et sortir leur légendaire ''C'était mieux avant''... Une sorte de boucle sans fin comme pour le cinéma.
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